Qui était Eugène Freyssinet ?
Né le 13 juillet 1879 à Objat, Corrèze, décédé le 8 juin 1962, Eugène Freyssinet était l’héritier d’une lignée d’artisans corréziens qui avaient connu des conditions de vie extraordinairement difficiles dans les villages très pauvres des plateaux corréziens, et avaient appris à utiliser leur ingéniosité pour survivre et construire malgré le dénuement et la pénurie de matériaux. Eugène Freyssinet s’est toujours considéré comme l’héritier de cette race d’artisans ingénieux et économes. Il pensait que tout gaspillage de matière et de main-d’œuvre est une trahison.
Il se faisait une très haute idée de la mission sociale du constructeur : « l’action et la responsabilité du constructeur rejoignent donc celles des chefs qui dirigent les activités éthiques, politiques ou guerrières des sociétés humaines, il est avec eux un des guides responsables de leur prospérité ou de leur déclin, du bonheur ou du malheur de leurs membres. Utiliser au mieux les ressources de la collectivité n’est donc pas, pour le constructeur, un simple moyen d’acquérir gloire ou fortune, ou élégance d’esprit. C’est une impérieuse obligation ».
Affût de canon en béton armé
Eugène Freyssinet était économe par hérédité et aussi par nécessité. Il a lui aussi connu les périodes de pénurie des deux guerres mondiales et des deux après-guerres. A la fin de la première guerre mondiale, il va construire un affût de canon en béton armé et non en acier parce que l’acier manque. On a peine à imaginer l’intensité de la pénurie du début du XXe siècle.
Le parcours d’Eugène Freyssinet
1879
Naissance à Objat (Corrèze)
1885
Ecole Communale à Paris
1890
Lycée Chaptal à Paris.
Eugène Freyssinet découvre avec passion le Musée des Arts et Métiers.
1899-1905
Elève de l’Ecole Polytechnique, puis de l’Ecole des Ponts et Chaussées.
1905-1914
Ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées à Moulins.
1916-1928
Directeur technique et associé de la société Mercier Limousin et Compagnie qui adoptera pour dénomination sociale en 1916 : «Société Limousin et Compagnie, Procédés Freyssinet».
1928
Dépôt du brevet de base sur le béton précontraint.
1930
Achèvement du Pont de Plougastel.
1929-1933
Industriel, Eugène Freyssinet se lance seul dans la fabrication en série de poteaux en béton précontraint.
Réussite technique et échec commercial dû à la crise des années trente.
1934
Sauvetage de la Gare Maritime du Havre et rencontre avec Edme Campenon. Début d’une longue et fructueuse collaboration avec les entreprises Campenon Bernard.
1939
Invention du système cône d’ancrage-vérin de mise en tension (précontrainte par post-tension)
1943
Création de la Société Technique pour l’Utilisation de la Précontrainte. Cette société avait pour objet : «La mise en valeur, la défense et l’exploitation des procédés nouveaux dont Monsieur Freyssinet est l’inventeur».
1946
Achèvement du Pont de Luzancy.
1958
Basilique souterraine Saint Pie X de Lourdes.
1962
Décès à Saint Martin Vésubie, Alpes Maritimes.
Eugène Freyssinet jeune
Eugène Freyssinet à 75 ans
La vocation d’Eugène Freyssinet
La passion de construire. Il disait de lui-même « je suis né constructeur ».
Sa passion de construire était absolue et a absorbé toute son énergie au cours de sa longue carrière, 57 ans.
Le devoir de construire au moindre coût pour la collectivité. Le constructeur, pour Eugène Freyssinet, a une responsabilité sociale qu’il trahit lorsqu’il gaspille la main-d’œuvre ou les matériaux. Cette obsession du moindre coût va le conduire à préférer le béton aux matériaux traditionnels, maçonnerie ou acier, parce que le béton est meilleur marché, même s’il présente des déficiences.
La recherche de l’optimum. Toute sa vie, Eugène Freyssinet va chercher à utiliser le béton au maximum de ses possibilités, tout en lui interdisant de manifester ses déficiences. Eugène Freyssinet, comme l’a dit un de ses collaborateurs Jean Chaudesaigues, était un constructeur passionné qui a voulu tirer la quintessence de la matière.
Eugène Freyssinet par lui-même
« Je suis né constructeur. Imposer à la matière des formes nées de mon imagination est pour moi à la fois un besoin impérieux et une source de joie inépuisables ».
« Je ne sais s’il existe une joie plus profonde que celle du constructeur qui, étudiant sans complaisance son œuvre terminée, ne lui trouve aucun défaut. Il est Dieu au 7e jour ; »
« Il n’existe pour moi que deux sources d’information : la perception directe des faits et l’intuition en laquelle je vois l’expression et le résumé de toutes les expériences accumulées par la vie dans le subconscient des êtres, depuis la première cellule. Il faut, bien entendu, que l’intuition soit contrôlée par l’expérience. Mais quand elle se trouve en contradiction avec le résultat d’un calcul, je fais refaire le calcul, et mes collaborateurs assurent que, en fin de compte, c’est toujours le calcul qui a tort ».
« J’ai quitté l’X tel exactement que j’y étais entré, pur sauvage dominé par ses instincts et ses intuitions. »
« Mon passage à l’école n’a pas fait de moi un polytechnicien au sens ordinaire du terme, c’est-à-dire un homme qui croit dur comme fer aux vertus et à la puissance du raisonnement déductif, particulièrement sous ses formes mathématiques. »