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Un peu de technique

Comprendre la précontrainte :

Le béton, le béton armé et le béton précontraint se comportent différemment. La comparaison des comportements de ces trois matériaux permet de comprendre l’originalité de l’invention d’Eugène Freyssinet. Cette comparaison est menée sur la structure la plus simple : la poutre droite posée sur deux appuis ainsi schématisée :

trois_beton

Le béton

Comportement d’une poutre en béton pur

a) la poutre repose sur son coffrage.

Son poids est reparti également ; elle ne se déforme pas.

beton_coffrage

b) la poutre repose sur deux appuis, placés près des extrémités.

Elle doit supporter son propre poids et s’incurve vers le bas.

beton_extremites

La partie supérieure de la poutre se raccourcit : elle est soumise à une compression.
La partie inférieure de la poutre s’allonge: elle est soumise à un effort de traction.

On peut comparer la situation de la poutre à celle d’un arc en bois dont les fibres face à la corde tendue sont comprimées. Cette compression peut se traduire par des boursouflures de l’écorce. Les fibres opposées sont en revanche soumises à des tractions d’autant plus fortes que l’arc est plus incurvé. Si ces tractions sont trop fortes, l’arc se brise.

Le béton, à l’inverse du bois et de l’acier, résiste mal à traction.

Lorsqu’on applique des charges sur la poutre, les déformations s’accentuent, de même que les tractions dans la partie inférieure et les compressions dans la partie supérieure.

compression_beton

Le béton ne supporte pas cette augmentation des efforts de traction. La rupture survient brutalement.

rupture_beton

En revanche le béton résiste bien à la compression. La fissure n’apparaît pas dans la partie supérieure de la poutre qui est comprimée, mais dans la partie inférieure qui est tendue.

Le béton pur n’est pas utilisé pour réaliser des poutres.

Le béton armé

Dès les dernières années du XIX siècle, on commence à utiliser le béton armé, matériau composite où la résistance à la compression est demandée au béton et la résistance à la traction aux armatures en acier.

En pratique une poutre en béton armé comprend des barres d’acier dans les zones soumises à traction.

beton_arme_echaffaudage

Poutre en béton armé reposant sur son échafaudage

Comportement d’une poutre en béton armé

beton_arme_extremites

Poutre en béton armé reposant sur deux appuis, légèrement incurvée vers le bas sous l’effet de son poids propre.

beton_arme_incurve

La poutre s’incurve d’avantage sous l’effet de la charge ; la barre d’acier s’allonge pour absorber la traction.

beton_arme_charge

L’incurvation se poursuit quand la charge augmenteL’incurvation se poursuit quand la charge augmente.
Le béton ne peut pas s’allonger autant que les armatures. Il se fissure à leur voisinage…

beton_arme_initial

et ne reprend que partiellement son état initial lorsque la charge est enlevée.

Les fissures peuvent être à l’origine d’infiltrations d’eau et d’autres éléments agressifs de l’environnement.
Les armatures risquent alors d’être soumises à la corrosion dont les conséquences peuvent être néfastes.

L’industrie de la construction, malgré ces inconvénients, fait une grande consommation de poutres et dalles en béton armé.

Le béton précontraint

Séduit par le matériau béton, Eugène Freyssinet a le sentiment que le béton armé ne permet pas de tirer le meilleur parti des deux éléments qui le composent, que le mariage du béton et de l’acier peut être beaucoup plus fécond.

Une longue réflexion le conduit à approfondir une idée simple : il faut préparer le béton à faire face sans dommages à son avenir.

Son avenir est d’être soumis à des charges et donc à des tractions dangereuses pour son intégrité (fissures, puis rupture).

Préparer le béton c’est le comprimer suffisamment pour qu’en tous points les compressions soient supérieures aux tractions qui se développeront ultérieurement.

La compression préalable du béton est la « précontrainte ». Le vocable a été utilisé pour la première fois par Eugène Freyssinet en 1933. L’intensité de la précontrainte à mettre en œuvre dépend évidemment des tractions auxquelles il faudra s’opposer et des raccourcissements instantanés et différés du béton.

Plusieurs modes de mise en compression du béton peuvent être envisagés. La précontrainte des poutres est généralement assurée par des câbles (ensemble de fils) d’acier fortement tendus qui transmettent au béton leur tension par des dispositifs appropriés.

La mise en tension des câbles peut intervenir avant le bétonnage de la poutre – pré-tension – ou après – post–tension.

Fabrication d’une poutre précontrainte par post-tension

beton_precontraint_gaine_vide

Poutre en béton précontraint reposant sur échafaudages. Avant le bétonnage on a disposé des gaines vides dans la zone soumise à traction.

beton_precontraint_cable_precont

Après coulage et durcissement du béton des câbles d’acier de précontrainte sont enfilés dans les gaines.

Les extrémités de ces câbles traversent des dispositifs de blocage placés aux deux abouts de la poutre. Ces dispositifs de blocage des câbles sont des cônes d’ancrage ou des plaques métalliques percées de trous coniques.
On installe ensuite des vérins hydrauliques de mise en tension à l’une ou aux deux extrémités des câbles.
Les câbles sont bloqués dans les vérins.

beton_precontraint_comprime

Les câbles sont mis en tension à l’aide des vérins qui prennent appui sur le béton de la poutre. Lorsque la tension et l’allongement désirés sont obtenus, on bloque les câbles avec les dispositifs installés aux abouts de la poutre.

La tension des câbles se reporte sur le béton de la poutre et le comprime. Cette compression provoque le raccourcissement de la partie inférieure de la poutre, engendrant une cambrure de l’ensemble vers le haut. La poutre repose sur ses extrémités.

(Les vérins sont ensuite démontés, les excédents de câbles coupés et le vide des gaines injecté sous pression avec du coulis de ciment, pour protéger les câbles contre la corrosion).

La poutre précontrainte est prête à faire face à son avenir.

Comportement d’une poutre en béton précontraint

beton_precontraint_comportement

Plus la charge augmente, plus la cambrure diminue.
Plus la charge augmente, plus la compression dans la partie inférieure de la poutre diminue.

Avec l’augmentation des charges la cambrure peut même se transformer en une légère incurvation vers le bas. Aussi longtemps qu’il subsiste une compression dans la partie inférieure de la poutre, aucune fissure n’apparaît.

beton_precontraint_initial

La poutre en béton précontraint reprend sa position initiale lorsqu’on supprime les charges appliquées, comme l’arc du chasseur lorsque la flèche est tirée. Le béton précontraint a un comportement élastique.

Fabrication et comportement d’une poutre précontrainte par pré-tension

Une poutre est précontrainte par pré-tension lorsque la mise en tension des aciers durs de précontrainte est effectuée avant le bétonnage de la poutre.

Ces poutres sont fabriquées sur un « banc de préfabrication » qui comprend les coffrages d’une série de poutres.

Banc de préfabrication de poutrelles

Banc de préfabrication de poutrelles

Les étapes de la réalisation de ces poutres sont les suivantes :

beton_precontraint_etape1

Mise en place dans le banc de préfabrication de fils d’acier à haute résistance.

Installation aux extrémités des fils de vérins de mise en tension prenant appui sur des butées fixées au sol.

beton_precontraint_etape2

Mise en tension des fils à l’aide des vérins.

Coulage du béton (plusieurs lignes de poutres à la fois)

beton_precontraint_etape3

Relâchement des vérins après durcissement du béton.

Les fils ne peuvent se raccourcir puisqu’ils adhèrent au béton et transmettent ainsi leur tension au béton durci.

Les poutres se cambrent vers le haut. Les fils d’acier sont ensuite coupés.

Les poutres en béton précontraint par « fils adhérents » sont prêtes à l’emploi. Leur comportement sous l’effet des charges appliquées est le même que celui des poutres précontraintes par post-tension.